- RETABLE
- RETABLERETABLEÀ l’origine, le retable était un simple rebord situé à l’arrière de l’autel où l’on posait les objets liturgiques. Puis l’habitude se développa d’y placer des reliques et des images vénérables. Le retable devient, au Moyen Âge, un véritable écran de pierre, de bois sculpté ou de matières précieuses — or, argent, émail — dont le plus somptueux exemple est la Pala d’Oro à Saint-Marc de Venise (Xe-XIIIe s.). À partir du XIVe siècle, le développement de la peinture sur panneau donne une importance croissante à la peinture dans les retables et suscite l’apparition de différentes formules d’agencement: d’une part, les petits tableaux de dévotion, faits généralement de deux volets se refermant l’un sur l’autre (diptyque); d’autre part, les ensembles destinés aux églises avec, encadrant un panneau central, deux ou quatre volets (triptyque, polyptyque) accompagnés ou non d’une prédelle et d’un couronnement. En Italie, c’est dès le XIIIe siècle que s’établit la tradition des tableaux d’autel composés (mais dont les panneaux latéraux ne se referment pas, dans la plupart des cas) à Lucques, à Pise, puis à Sienne et à Florence, avec les Berlinghieri, Giunta Pisano, Guido da Siena, Cimabue.Dans l’Europe du Nord, berceau de la peinture sur panneau, la sculpture garde pourtant un rôle primordial: le retable de Champmol, exécuté entre 1392 et 1399, comporte un panneau central sculpté, dû à Jacques de Baerze, et des volets peints par Melchior Broederlam (musée de Dijon). Si le retable de L’Agneau mystique (1432) n’est que peinture, le retable d’Haekendover, contemporain du chef-d’œuvre de Van Eyck (1430), et d’innombrables retables brabançons du XVe siècle sont faits de bas-reliefs en bois sculpté (avec, parfois, des statuettes amovibles), d’une verve savoureuse et dont le réalisme n’exclut pas l’élégance: leur vogue est immense dans toute l’Europe, y compris dans les pays où existe, en ce domaine, une production de haute qualité, en Espagne, en Allemagne, en Italie même. En Espagne, les églises s’ornent de retables souvent monumentaux, dus à des sculpteurs venus de l’étranger et à des peintres locaux, dont les uns sont influencés par l’Italie (Retable de saint Martin à Ségorbe, de Jacomart Bacó, 1447) et par Van Eyck (Vierge aux conseillers , de Luis Dalmau, 1445, musée de Barcelone) ou de tempérament plus personnel comme Jaime Huguet (Retable de saint Abdon et de saint Senén , à Santa María de Tarrasa) et Pau Vergos (Retable des Granollers , musée de Barcelone).En Allemagne, on trouve des retables peints — depuis celui de Sainte Madeleine , de Lucas Moser (1432) jusqu’au Retable d’Issenheim , de Grünewald (env. 1513-1516) — et aussi d’immenses ensembles avec reliefs et panneaux peints, volets doubles et prédelle (Retable de saint Wolfgang , peint et sculpté par Michael Pacher, 1471-1481).Durant la même période, l’Italie élabore des formules de plus en plus complexes, de plus en plus cohérentes, notamment au point de vue des correspondances iconographiques (A. Chastel, La Pala, ou le Retable italien des origines à 1500 , Paris, 1993). Les encadrements de bois sculpté, où l’on constate l’élimination progressive des profils gothiques, y jouent un rôle important dans l’équilibre rythmique de l’ensemble et la mise en perspective que reprennent parfois les fonds des panneaux peints. Les pilastres de marbre classiques remplacent de plus en plus souvent le bois, encadrant soit un tableau (chapelle du cardinal de Portugal à San Miniato de Florence, avec une peinture des Pollaiuolo, 1467), soit un bas-relief (chapelle Mastroianni à Monte Oliveto, Naples, par Giuliano da Majano). Les polyptyques les plus importants, à deux, quatre ou six volets fixes (souvent dispersés aujourd’hui), comportent plus souvent, au-dessus de la prédelle, deux registres de peintures, surmontés d’une lunette ou d’un couronnement (auxquels s’ajoutent, dans certains cas, des petits panneaux en hauteur ou des médaillons sur les pilastres extérieurs), et finissent par composer de véritables ordonnances en arc triomphal (Autel Roverella , de Cosmè Tura, Pala Griffoni , de Francesco del Cossa et Ercole de’ Roberti, Pala Demidoff , de Carlo Crivelli). Le dispositif à volets disparaît au cours du XVIe siècle pour faire place au tableau unique, mais toujours encadré d’éléments architectoniques.À cette époque, les retables sculptés restent très en vogue dans toute l’Europe du Nord, dans les régions danubiennes (Retable de Blaubeuren , 1493) et rhénanes (Retable de Brisach , 1526) comme en Franconie, avec Tilman Riemenschneider (Retable de l’Assomption de la Vierge , à Creglingen) ou aux Pays-Bas (Retable de Halle , en albâtre, par Jean Mone, 1533). Certains conservent une ornementation précieuse, tel ce «riche retable d’autel» exécuté pour Charles Quint et décrit dans un inventaire de 1510: il était «garni de dix tableaux esquels sont faits la Passion de Notre-Seigneur, les quatre évangélistes et tout plein d’autres figures, tant de petits piliers que d’autrement, bien fort ingénieusement [...] taillés tant de pierre d’albâtre que de jaspe et autrement».Le concile de Trente, s’il condamne les images évoquant des dogmes erronés ou offrant «des attraits provocants», n’en déclare pas moins qu’il faut «rendre l’honneur et la vénération convenables» aux images du Christ, de la Vierge et des saints. Le retable garde plus que jamais son rôle, et les mises en garde de l’Église n’empêchent pas les effusions, les explosions triomphales du baroque. L’autel et son décor composent dans les églises importantes, et riches, une architecture dans l’architecture, constituant le centre d’une vaste scénographie savamment orchestrée, autour de l’effigie peinte ou sculptée (Saint Georges, le dragon et la princesse , à Weltenburg, en Bavière, après 1717; Transparente de Narciso Tomé à la cathédrale de Tolède, 1721-1732). Dans les sanctuaires plus modestes, en province surtout, le ton est plus direct, plus pittoresque, souvent naïf, mais le retable demeure l’emplacement privilégié des images offertes à la dévotion des fidèles.• 1671; adaptation d'après table, de l'ancien provençal retaule, du latin médiéval retrotabulum♦ Partie postérieure et décorée d'un autel, qui surmonte verticalement la table. Retable en forme de triptyque. Prédelle d'un retable.retablen. m. Panneau vertical (placé derrière un autel), le plus souvent peint et richement orné.⇒RETABLE, subst. masc.ARCHIT. RELIG. Panneau ou ensemble de panneaux en marbre, pierre, stuc ou bois, généralement peint ou orné de motifs décoratifs, placé verticalement derrière l'autel dans les églises chrétiennes. Dans l'art allemand du XVe siècle, les sculptures en bois et les volets peints, qui se trouvaient toujours associés dans les retables, étaient parfois l'œuvre d'un même artiste qui faisait métier de peintre (RÉAU, Archives, bibl., musées, 1909, p. 41). Un des volets du grand retable de Genève (probablement un triptyque), la Pêche miraculeuse de Saint Pierre, offre de cette ville une vue très exacte (P. LAVEDAN, Urban., 1926, p. 214).Prononc. et Orth.: [
]. LAND. 1834 [
-], DG ,,[
-] et, mieux, [
-]``. MART. Comment prononce 1913, p. 169 ,,retable tend manifestement à céder la place à rétable. [Cependant, à propos de l'indication ds DG] cet et, mieux est discutable.`` MARTINET-WALTER 1973 [
-] (13), [
-] ou [
-] (5). Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1426 (Invent. du château des Baux ds R. Soc. sav. t. 6, p. 129: Item, ung grand retable et deux petits tabliaux). Empr., avec adapt. d'apr. table, à l'a. prov. retaule (att. dep. le XIVe s., Invent. Verfeuil ds LEVY Prov.), lui-même issu par haplologie de reiretaule (1218, doc. de Nîmes ds DU CANGE, s.v. retrotabulum), du lat. retro « derrière » et tabula « planche, table », « autel » en lat. médiév.; cf. lat. médiév. retrotabula en 1259 (doc. de Chartres ds FAGNIEZ t. 1, p. 199), retrotabulum en 1294 (doc. de l'Aude ds DU CANGE); cat. rerataule (ca 1280 ds ALC.-MOLL), retaule (1295, ibid.), à l'orig. de l'esp. retablo (dep. 1450 d'apr. COR.-PASC.). V. FEW t. 13, 1, p. 23a. Fréq. abs. littér.: 35. Bbg. POTTIER (B.). Azerole, cuirasse; retable... Fr. mod. 1948, t. 16, pp. 275-276.
retable [ʀətabl] n. m.ÉTYM. 1562; n. f., 1535; de re- « en arrière », et table.❖♦ Partie postérieure et décorée d'un autel, qui surmonte verticalement la table. || Retable du maître-autel. || Retable peint, à plusieurs volets. || Prédelle d'un retable (→ Prédelle, cit. Proust). || Le retable d'Issenheim, peinture de Grünewald. || Retable sculpté. || Retable classique à colonnes de marbre, à fronton.0 En même temps (au XVe siècle), la sculpture se détache de plus en plus de l'architecture, elle accepte les suggestions de la peinture et du théâtre dans les retables de bois ou de pierre, à personnages multiples, à scènes compartimentées, fourmillant d'épisodes (…)Henri Focillon, l'Art d'Occident, III, II, I, p. 297.
Encyclopédie Universelle. 2012.